La musique est un langage et, à un moment donné, quelqu'un a commencé à étudier la nature de ses composants. Quelle est l'unité la plus élémentaire que l'on puisse utiliser ? Une seule hauteur. Et Ligeti, dans "Musica Ricercata", commence exactement comme cela. Une seule hauteur est explorée dans toutes ses possibilités et qualités expressives, jusqu'à ce qu'il soit nécessaire d'ajouter... une deuxième note. La deuxième pièce se poursuit dans un esprit sombre, en ajoutant une note supplémentaire, atteignant ainsi le nombre éminent de deux hauteurs.
Après ce début inquisiteur, nous passons sans transition à Corigliano, qui commence comme une forme d'exploration plus "liquide", mais introduit ensuite lentement le thème principal de cette première moitié de programme, qui est le thème du chagrin de l'"Allegretto" de Beethoven. La musique est très libre dans sa forme et explore les différentes façons d'aborder ce simple motif sous toutes sortes d'angles, donnant le sentiment d'une perte de direction obsédante, qui doit être résolue par une forme stable.
Nous atteignons alors le point culminant de la moitié, avec la nécessaire musique de Beethoven, qui nous donne enfin une manifestation solide de ce que nous avons cherché en termes plus abstraits jusqu'à présent.
Les Funérailles de Liszt concluent la première partie avec une interprétation toujours plus orchestrale de ce qui est considéré comme un hommage à la mort de Chopin.
La seconde partie du programme nous donne l'espoir de laisser derrière nous les atmosphères de la première partie, en commençant par le prélude enjoué en fa majeur de Chopin ; ce n'est qu'une illusion, car nous retournons rapidement aux atmosphères lugubres des préludes 22, 18, 10, en passant par la sublime vision d'idylle, du numéro 13. La série que j'ai choisie s'achève avec le deuxième, dans un mouvement rétrograde qui se termine par le plus expérimental des préludes.
Après la fin interrogative de cette musique, dont le pouvoir magnétique réside dans une relation indéfinie entre tonalité et modalité, nous entrons dans le monde libéré de la tonalité ; la 9e Sonate de Scriabine n'est pas seulement une manifestation mystique des puissances du Diable (on l'appelle d'ailleurs la Sonate de la Messe Noire), mais c'est aussi un terrain musical où l'harmonie, la mélodie et le rythme ne font qu'un, qui laisse l'auditeur dans un état de perplexité et d'extase.
Comment conclure un voyage aussi varié ?
Les Variations héroïques de Beethoven sont une affirmation de la vie dans tous ses éléments et sa richesse, une musique aussi riche en esprit que simple en outils musicaux, où tout semble découler des quatre premières notes, mais dont la combinaison et l'invention sans fin nous amènent à percevoir le piano comme étant plus qu'un orchestre. La fugue jubilatoire clôt un programme d'une grande intensité.